Changer de cycle, après 20 ans, premières réflexions brutes
- Aline Savard
- 28 déc. 2024
- 4 min de lecture
J'ai changé de cycle cette année. Eh oui! Après une vingtaine d'année avec les scripteurs-lecteurs débutants, j'ai demandé d'aller au 2ième cycle. Pourquoi une telle décision? D'abord j'avais l'impression de fonctionner comme un robot tellement je pouvais anticiper tout ce qui allait se passer. Puis, professionnellement, j'avais envie d'aller plus loin dans les différents outils Freinet, dans le niveau de discussion. J'avais aussi, surtout, le goût de sortir de ma zone de confort.
En changeant de cycle est venu certaines adaptations: de nouvelles collègues (que j'aime beaucoup!), l'appropriation du programme du cycle, des parents anxieux qui commencent à entrevoir le secondaire, de nouveaux outils à explorer. Bref, de beaux défis que je vais aujourd'hui vous partager!
De nouvelles collègues
J'avais un peu peur de changer de collègues-cycle sachant que parfois je suis un peu bohème et j'aime faire les choses à ma manières. Mon équipe d'avant m'acceptait telle que j'étais, nous respections nos différences et on partageait, lorsqu'on avait le temps, ce qu'on faisait. Avec ma nouvelle équipe, nos rencontres hebdomadaires se concentrent à des partages de pratiques et d'outils. Tout est mis en commun et chacune prend ce qu'elle veut. On partage nos questionnements, on explore des avenues, on remet en question ce qui est fait, etc. Bref, cette approche collaborative et régulière est riche et remplie de potentiel. Il faut préciser que nous avons pris une orientation ancrée en pédagogie Freinet et nous explorons les différents outils chacune à notre couleur.
L'appropriation du programme de formation
C'est là que la professionnelle que je suis s'est fait un devoir de revoir le programme et de bien le connaître afin de pouvoir faire des liens avec ce qui se fait en classe. Les connaissances promues par la pda est un guide qui, pour ma part, ne doit pas faire fit de mes élèves, de qui ils sont, de où ils en sont et d'où ils vont. C'est tout l'essentiel pour moi d'individualiser mon approche. Ce n'est pas une question de cycle, mais une question d'unicité des enfants. Papert, 1981, explique que chaque enfant a son propre programme. Dans cet esprit, il m'apparaît important de bien connaître chaque enfant, ainsi que le programme de formation afin de faire des liens entre les deux et d'accompagner chacun dans son développement. En écrivant ces mots, me vient en tête les invariants Freinet, plus précisément les numéros 13 et 14 (1964). Les voici donc, en rappel...
13: Les acquisitions ne se font pas comme l'on croit parfois, par l'étude des règles et des lois, mais par l'expérience. Étudier d'abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c'est placer la charrue devant les boeufs.
14: L'intelligence n'est pas, comme l'enseigne la scolastique, une faculté spécifique fonctionnant comme un circuit fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l'individu.
Donc, l'appropriation du programme de formation, c'est un geste professionnel incontournable. Mais, en tant que pédagogue Freinet, je ne dois pas oublier l'essentiel, l'enfant, et me laisser guider par lui.
Les parents anxieux (à l'approche du secondaire)
Un classique de mes collègues du 2ième et 3ième cycle que je n'avais jamais vraiment vécu, l'anxiété des parents à l'approche du secondaire. Du moins, pas autant intensément. En même temps, peu d'entre nous, enseignant.es et parents, avons fait notre parcours primaire en pédagogie Freinet. Je comprends les parents d'avoir cette anxiété de devoir faire confiance en notre professionnalisme et en notre conviction en cette pédagogie, et aussi à leur enfant, qui est l'auteur même de ses tâtonnements.
J'ai observé mes anciens élèves qui sont allés au secondaire, parlé avec leurs parents (ou avec eux). Le constat est simple: les difficultés vécues lors du primaire se continuent au secondaire, ainsi que les forces. Certains enfants ont de la difficulté en écriture, d'autres en organisation. Mais la 6ième année n'est pas la finale, elle marque seulement la fin vers un début ailleurs. C'est une continuité dans le développement global de chacun.
Anecdote: Lors d'un de mes cours, j'ai discuté avec une enseignante qui avait fait son parcours primaire dans une école Freinet. Je lui ai demandé quel a été son plus grand défi lors de son passage au secondaire. Vous savez ce qu'elle avait trouvé difficile? De ne pas pouvoir aller aider un élève qui ne comprenait pas pendant un cours.
N'est-ce pas là une force?! Dans ma perspective, c'est l'école secondaire qui a des réflexions à faire!
Y'a aussi les parents qui ne croient pas en la pédagogie Freinet, ou qui ne la comprend pas, fondant leurs conceptions sur ce qu'ils connaissent de l'école. Il y a deux catégories de parents, ceux qui posent les questions et qui écoutent les réponses. Et il y a les autres. D'un côté ou de l'autre, ils ont le choix. Parce qu'on a toujours le choix. J'ai toujours pensé, et je le pense encore, que tous les enfants sont faits pour évoluer en pédagogie Freinet, mais pas tous les parents. Heureusement, dans les 20 dernières années, je n'ai rencontré que très peu de ceux-là. Et lorsque ça arrive, je puise mes forces dans mes racines Freinet, celles qui orientent mes choix de professionnelle: les valeurs et les invariants Freinet. Et quand le vent souffle trop fort, ce sont ces mêmes racines, ancrées coopérativement avec mes autres collègues Freinet, qui me permettent de tenir debout.
De nouveaux outils à explorer

C'est difficile pour moi, à ce stade, de parler des outils que j'explore. J'en suis à mes premiers tâtonnements... Encore une fois, ce sont mes racines qui guident mes actions et mes réflexions. D'un dictionnaire personnalisé et d'une grammaire personnelle, au journal de classe et au plan de travail individualisé, j'explore, je crée, j'écoute mes élèves. Et je tombe aussi dans le piège de «oh non! j'ai pas vu ça encore!», faisant référence au programme, plutôt qu'en observant davantage mon groupe et de sauter sur les différentes opportunités. C'est, j'imagine, la pression que je me mets, ainsi que le manque d'expérience à ce niveau. Comme quoi on peut être débutant avec de l'expérience.
Sur ce, mes élèves veulent faire la cuisine... Je réfléchis donc à «un projet cuisine» pour intégrer certaines notions du programme tout en gardant à l'esprit leurs capacités, leur motivation, le «faire pour vrai», les possibilités de discussions maths, la possibilité de les laisser s'organiser, écrire, faire une enquête dans le milieu, etc. Bref, la poutine d'une prof Freinet, même (surtout) en vacances! Mon cerveau est libre et a du temps!
Joyeuses Fêtes!
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